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DE L’ALLEMAGNE

sans luxe, sans éclat, sans puissance, est chéri par ses habitants comme un ami qui cache ses vertus dans l’ombre et les consacre toutes au bonheur de ceux qui l’aiment. Depuis cinq siècles que dure la prospérité de la Suisse, on compte plutôt de sages générations que de grands hommes. Il n’y a point de place pour l’exception quand l’ensemble est aussi heureux. On diroit que les ancêtres de cette nation règnent encore au milieu d’elle : toujours elle les respecte, les imite, et les recommence. La simplicité des mœurs et l’attachement aux anciennes coutumes, la sagesse et l’uniformité dans la manière de vivre, rapprochent de nous le passé et nous rendent l’avenir présent. Une histoire, toujours la même, ne semble qu’un seul moment dont la durée est de plusieurs siècles.

La vie coule dans ces vallées comme les rivières qui les traversent ; ce sont des ondes nouvelles, mais qui suivent le même cours : puisse-t-il n’être point interrompu ! puisse la même fête être souvent célébrée au pied de ces mêmes montagnes ! L’étranger les admire comme une merveille, l’Helvétien les chérit comme un asile où les magistrats et les pères soignent ensemble les citoyens et les enfants.