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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

qui renferme dans son sein les fantômes, les présages, et tient chez les modernes la même place que la destinée parmi les anciens. L’imagination, en Angleterre, est presque toujours inspirée par la sensibilité ; l’imagination des Allemands est quelquefois rude et bizarre : la religion de l’Angleterre est plus sévère, celle de l’Allemagne est plus vague ; et la poésie des nations doit nécessairement porter l’empreinte de leurs sentiments religieux. La convenance ne règne point dans les arts en Angleterre comme en France ; cependant l’opinion publique y a plus d’empire qu’en Allemagne, l’unité nationale en est la cause. Les Anglais veulent mettre d’accord en toutes choses les actions et les principes ; c’est un peuple sage et bien ordonné, qui a compris dans la sagesse la gloire, et dans l’ordre la liberté : les Allemands, n’ayant fait que rêver l’une et l’autre, ont examiné les idées indépendamment de leur application, et se sont ainsi nécessairement élevés plus haut en théorie.

Les littérateurs allemands actuels se montrent (ce qui doit paroître singulier) beaucoup plus opposés que les Anglais à l’introduction des réflexions philosophiques dans la poésie. Les premiers génies de la littérature anglaise, il est vrai,