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DU JUGEMENT QU’ON PORTE, etc.

Shakespear, Milton, Dryden dans ses odes, etc., sont des poëtes qui ne se livrent point à l’esprit de raisonnement ; mais Pope et plusieurs autres doivent être considérés comme didactiques et moralistes. Les Allemands se sont refaits jeunes, les Anglais sont devenus mûrs[1]. Les Allemands professent une doctrine qui tend à ranimer l’enthousiasme dans les arts comme dans la philosophie, et il faut les louer s’ils la maintiennent ; car le siècle pèse aussi sur eux, et il n’en est point où l’on soit plus enclin à dédaigner ce qui n’est que beau ; il n’en est point où l’on répète plus souvent cette question la plus vulgaire de toutes : À quoi bon ?


  1. Les poëtes anglais de notre temps, sans s’être concertés avec les Allemands, ont adopté le même système. La poésie didactique fait place aux fictions du moyen âge, aux couleurs pourprées de l’orient ; le raisonnement et même l’éloquence ne sauroient suffire à un art essentiellement créateur.