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WIELAND

au fond ne soit tout-à-fait allemande. Wieland est infiniment plus instruit que Voltaire ; il a étudié les anciens d’une façon plus érudite qu’aucun poëte ne l’a fait en France. Les défauts, comme les qualités de Wieland, ne lui permettent pas de donner à ses écrits la grâce et la légèreté françaises.

Dans ses romans philosophiques, Agathon, Peregrinus Protée, il arrive tout de suite à l’analyse, à la discussion, à la métaphisique ; il se fait un devoir d’y mêler ce qu’on appelle communément des fleurs mais l’on sent que son penchant naturel seroit d’approfondir tous les sujets qu’il essaie de parcourir. Le sérieux et la gaieté sont l’un et l’autre trop prononcés dans les romans de Wieland pour être réunis ; car, en toute chose, les contrastes sont piquants, mais les extrêmes opposés fatiguent.

Il faut, pour imiter Voltaire, une insouciance moqueuse et philosophique qui rende indifférent à tout, excepté à la manière piquante d’exprimer cette insouciance. Jamais un Allemand ne peut arriver à cette brillante plaisanterie ; la vérité l’attache trop, il veut savoir et expliquer ce que les choses sont ; et lors même qu’il adopte des opinions condamnables, un repentir secret ralentit