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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

sa marche malgré lui. La philosophie épicurienne ne convient pas à l’esprit des Allemands ; ils donnent à cette philosophie un caractère dogmatique, tandis qu’elle n’est séduisante que lorsqu’elle se présente sous des formes légères : dès qu’on lui prête des principes, elle déplaît à tous également.

Les ouvrages de Wieland en vers ont beaucoup plus de grâce et d’originalité que ses écrits en prose : l’Obéron et les autres poëmes dont je parlerai à part sont pleins de charme et d’imagination. On a cependant reproché à Wieland d’avoir traité l’amour avec trop peu de sévérité, et il doit être ainsi jugé chez ces Germains qui respectent encore un peu les femmes à la manière de leurs ancêtres ; mais quels qu’aient été les écarts d’imagination que Wieland se soit permis, on ne peut s’empêcher de reconnaître en lui une sensibilité véritable ; il a souvent eu bonne ou mauvaise intention de plaisanter sur l’amour, mais une nature sérieuse l’empêche de s’y livrer hardiment ; il ressemble à ce prophète qui bénit au lieu de maudire ; il finit par s’attendrir, en commençant par l’ironie.

L’entretien de Wieland a beaucoup de charme, précisément parce que ses qualités naturelles sont