Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
KLOPSTOCK

Ce mélange d’enthousiasme poétique et de confiance religieuse inspire l’admiration et l’attendrissement tout ensemble. Les talents s’adressoient jadis à des divinités de la fable. Klopstock les a consacrés, ces talents, à Dieu même ; et, par l’heureuse union de la religion chrétienne et de la poésie, il montre aux Allemands comment ils peuvent avoir des beaux-arts qui leur appartiennent et ne relèvent pas seulement des anciens en vassaux imitateurs.

Ceux qui ont connu Klopstock le respectent autant qu’ils l’admirent. La religion, la liberté, l’amour, ont occupé toutes ses pensées ; il professa la religion par l’accomplissement de tous ses devoirs ; il abdiqua la cause même de la liberté, quand le sang innocent l’eut souillée, et la fidélité consacra les attachements de son cœur. Jamais il ne s’appuya de son imagination pour justifier aucun écart ; elle exaltoit son âme sans l’égarer. On dit que sa conversation étoit pleine d’esprit et même de goût ; qu’il aimoit l’entretien des femmes, et surtout celui des françaises, et qu’il étoit bon juge de ce genre d’agréments que la pédanterie réprouve. Je le crois facilement, car il y a toujours quelque chose d’universel dans le génie, et peut-être même tient-il par des rapports