Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
276
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

Les écrivains imitateurs des anciens se sont soumis aux règles du goût les plus sévères ; car ne pouvant consulter ni leur propre nature, ni leurs propres souvenirs, il a fallu qu’ils se conformassent aux lois d’après lesquelles les chefs-d’œuvre des anciens peuvent être adaptés à notre goût, bien que toutes les circonstances politiques et religieuses qui ont donné le jour à ces chefs-d’œuvre soient changées. Mais ces poésies d’après l’antique, quelque parfaites qu’elles soient, sont rarement populaires, parce qu’elles ne tiennent, dans le temps actuel, à rien de national.

La poésie française étant la plus classique de toutes les poésies modernes, elle est la seule qui ne soit pas répandue parmi le peuple. Les stances du Tasse sont chantées par les gondoliers de Venise ; les Espagnols et les Portugais de toutes les classes savent par cœur les vers de Calderon et de Camoëns. Shakespear est autant admiré par le peuple en Angleterre que par la classe supérieure. Des poëmes de Goethe et de Bürger sont mis en musique, et vous les entendez répéter des bords du Rhin jusqu’à la Baltique. Nos poëtes français sont admirés par tout ce qu’il y a d’esprits cultivés chez nous et dans le reste de l’Eu-