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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/322

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

On auroit pu, ce me semble, éviter ce défaut, sans introduire dans la Messiade rien de profane : il eût mieux valu peut-être prendre pour sujet la vie entière de Jésus-Christ que de commencer au moment où ses ennemis demandent sa mort. L’on auroit pu se servir avec plus d’art des couleurs de l’orient pour peindre la Syrie, et caractériser d’une manière forte l’état du genre humain sous l’empire de Rome. Il y a trop de discours et des discours trop longs dans la Messiade ; l’éloquence elle-même frappe moins l’imagination qu’une situation, un caractère, un tableau qui nous laissent quelque chose à deviner. Le Verbe, ou la parole divine, existoit avant la création de l’univers ; mais pour les poëtes, il faut que la création précède la parole.

On a reproché aussi à Klopstock de n’avoir pas fait de ses anges des portraits assez variés ; il est vrai que dans la perfection les différences sont difficiles à saisir, et que ce sont d’ordinaire les défauts qui caractérisent les hommes : néanmoins on auroit pu donner plus de variété à ce grand tableau ; enfin surtout il n’auroit pas fallu, ce me semble, ajouter encore dix chants à celui qui termine l’action principale, la mort du Sauveur. Ces dix chants renferment sans doute de grandes