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DES POÈMES ALLEMANDS

sphères qui furent sa demeure : quelle situation que ce retour vers la vertu quand la destinée est irrévocable ; il manquoit aux tourments de l’enfer d être habité par une âme redevenue sensible ! Notre religion ne nous est pas familière en poésie, et Klopstock est l’un des poëtes modernes qui a su le mieux personnifier la spiritualité du christianisme par des situations et des tableaux analogues à sa nature.

Il n’y a qu’un épisode d’amour dans tout l’ouvrage, et c’est un amour entre deux ressuscités, Cidli et Semida ; Jésus-Christ leur a rendu la vie à tous les deux, et ils s’aiment d’une affection pure et céleste comme leur nouvelle existence ; ils ne se croient plus sujets à la mort ; ils espèrent qu’ils passeront ensemble de la terre au ciel, sans que l’horrible douleur d’une séparation apparente soit éprouvée par l’un d’eux. Touchante conception qu’un tel amour dans un poëme religieux ! elle seule pouvoit être en harmonie avec l’ensemble de l’ouvrage. Il faut l’avouer cependant, il résulte un peu de monotonie d’un sujet continuellement exalté ; l’âme se fatigue par trop de contemplation, et l’auteur auroit quelquefois besoin d’avoir affaire à des lecteurs déjà ressuscités comme Cidli et Semida.