Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

Il est là, étendu dans son sang, lui, le secret effroi des Romains, alors même qu’au milieu des danses guerrières et des chants de triomphe ils emmenoient sa Thusnelda captive : non, ne regardez pas ! Qui pourroit le voir sans pleurer ? et la lyre ne doit pas faire entendre des sons plaintifs, mais des chants de gloire pour l’immortel.

K. J’ai encore la blonde chevelure de l’enfance, je n’ai ceint le glaive qu’en ce jour : mes mains sont pour la première fois armées de la lance et de la lyre, comment pourrois-je chanter Hermann ?

N’attendez pas trop du jeune homme, ô pères ; je veux essuyer avec mes cheveux dorés mes joues inondées de pleurs, avant d’oser chanter le plus grand des fils de Mana[1].

D. Et moi aussi je verse des pleurs de rage ; non, je ne les retiendrai pas : coulez, larmes brûlantes, larmes de la fureur, vous n’êtes muettes, vous appelez la vengeance sur des

  1. Mana, l’un des héros tutélaires de la nation germanique.