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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/341

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DES POÈMES ALLEMANDS

pas, mais qui lui apparoissent agrandis par la nuit des temps : les personnages du poème épique doivent représenter le caractère primitif de la nation. Il faut trouver en eux le moule indestructible dont est sortie toute l’histoire.

Ce qu’il y avoit de beau en Allemagne, c’étoit l’ancienne chevalerie, sa force, sa loyauté, sa bonhomie et la rudesse du nord qui s’allioit avec une sensibilité sublime. Ce qu’il y avoit aussi de beau, c’étoit le christianisme enté sur la mythologie Scandinave, cet honneur sauvage que la foi rendoit pur et sacré ; ce respect pour les femmes, qui devenoit plus touchant encore par la protection accordée à tous les foibles ; cet enthousiasme de la mort, ce paradis guerrier où la religion la plus humaine a pris place. Tels sont les éléments d’un poème épique en Allemagne. Il faut que le génie s’en empare, et qu’il sache, comme Medée, ranimer par un nouveau sang d’anciens souvenirs.