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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

caractère des habitants du midi ; il est plus en train de l’existence que les septentrionaux ; il sent la nature avec plus de vigueur et de sérénité ; son esprit n’en a pas moins de profondeur, mais son talent a plus de vie ; on y trouve un certain genre de naïveté qui réveille à la fois le souvenir de la simplicité antique et de celle du moyen âge : ce n’est pas la naïveté de l’innocence, c’est celle de la force. On aperçoit dans les poésies de Goethe qu’il dédaigne une foule d’obstacles, de convenances, de critiques et d’observations qui pourroient lui être opposées. Il suit son imagination où elle le mène, et un certain orgueil en masse l’affranchit des scrupules de l’amour-propre. Goethe est en poésie un artiste puissamment maître de la nature, et plus admirable encore quand il n’achève pas ses tableaux ; car ses esquisses renferment toutes le germe d’une belle fiction : mais ses fictions terminées ne supposent pas toujours une heureuse esquisse.

Dans ses élégies, composées à Rome, il ne faut pas chercher des descriptions de l’Italie ; Goethe ne fait presque jamais ce qu’on attend de lui, et quand il y a de la pompe dans une idée, elle lui déplaît ; il veut produire de l’effet par une route détournée, et comme à l’insçu de l’auteur