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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

le retour des mêmes paroles ; il semble qu’on réveille ainsi le sentiment de l’inflexible nécessité. Les ombres, les oracles, toutes les puissances surnaturelles, doivent être monotones ; ce qui est immuable est uniforme ; et c’est un grand art, dans certaines fictions, que d’imiter, par les paroles, la fixité solennelle que l’imagination se représente dans l’empire des ténèbres et de la mort.

On remarque aussi, dans Bürger, une certaine familiarité d’expression qui ne nuit point à la dignité de la poésie, et qui en augmente singulièrement l’effet. Quand on parvient à rapprocher de nous la terreur ou l’admiration, sans affoiblir ni l’une ni l’autre, ces sentiments deviennent nécessairement beaucoup plus forts : c’est mêler, dans l’art de peindre, ce que nous voyons tous les jours à ce que nous ne voyons jamais, et ce qui nous est connu nous fait croire à ce qui nous étonne.

Goethe s’est essayé aussi dans ces sujets qui effraient à la fois les enfants et les hommes ; mais il y a mis des vues profondes, et qui donnent pour long-temps à penser : Je vais tâcher de rendre compte de celle de ses poésies de revenants, la Fiancée de Corinthe, qui a le plus de réputation en Allemagne. Je ne voudrais assurément défendre