En politique, M. Necker disoit : Il faut toute la liberté qui est conciliable avec l’ordre. Je retournerois la maxime, en disant : Il faut, en littérature, tout le goût qui est conciliable avec le génie : car si l’important dans l’état social c’est le repos, l’important dans la littérature, au contraire, c’est l’intérêt, le mouvement, l’émotion, dont le goût à lui tout seul est souvent l’ennemi.
On pourroit proposer un traité de paix éntre les façons de juger, artistes et mondaines, des Allemands et des Français. Les Français devroient s’abstenir de condamner, même une faute de convenance, si elle avoit pour excuse une pensée forte ou un sentiment vrai. Les Allemands devroient s’interdire tout ce qui offense le goût naturel, tout ce qui retrace des images que les sensations repoussent : aucune théorie philosophique, quelque ingénieuse qu’elle soit, ne peut aller contre les répugnances des sensations, comme aucune poétique des convenances ne sauroit empêcher les émotions involontaires. Les écrivains allemands les plus spirituels auroient beau soutenir que, pour comprendre la conduite des filles du roi Lear envers leur père, il faut montrer la barbarie des temps dans lesquels elles vivoient, et tolérer que le duc de Cornuailles, excité par