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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/375

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DU GOÛT

convenances, et les Allemands les convenances comme des beaux-arts : dans les rapports avec la société il faut se défendre, dans les rapports avec la poésie il faut se livrer. Si vous considérez tout en homme du monde, vous ne sentirez point la nature ; si vous considérez tout en artiste, vous manquerez du tact que la société seule peut donner. S’il ne faut transporter dans les arts que l’imitation de la bonne compagnie, les Français seuls en sont vraiment capables ; mais plus de latitude dans la composition est nécessaire pour remuer fortement l’imagination et l’âme. Je sais qu’on peut m’objecter avec raison que nos trois grands tragiques, sans manquer aux règles établies, se sont élevés à la plus sublime hauteur. Quelques hommes de génie, ayant à moissonner dans un champ tout nouveau, ont su se rendre illustres, malgré les difficultés qu’ils avoient à vaincre ; mais la cessation des progrès de l’art, depuis eux, n’est-elle pas une preuve qu’il y a trop de barrières dans la route qu’ils ont suivie ?

« Le bon goût en littérature est, à quelques égards, comme l’ordre sous le despotisme, il importe d’examiner à quel prix on l’achète[1]. »

  1. Supprimé par la censure.