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DE L’ALLEMAGNE

il arrive souvent aux nations, comme aux individus, de souffrir pour leurs vertus.

La civilisation des Esclavons ayant été plus moderne et plus précipitée que celle des autres peuples, on voit plutôt en eux jusqu’à présent l’imitation que l’originalité : ce qu’ils ont d’européen est français ; ce qu’ils ont d’asiatique est trop peu développé pour que leurs écrivains puissent encore manifester le véritable caractère qui leur seroit naturel. Il n’y a donc dans l’Europe littéraire que deux grandes divisions très-marquées : la littérature imitée des anciens et celle qui doit sa naissance à l’esprit du moyen âge ; la littérature qui, dans son origine, a reçu du paganisme sa couleur et son charme, et la littérature dont l’impulsion et le développement appartiennent à une religion essentiellement spiritualiste.

On pourroit dire avec raison que les Français et les Allemands sont aux deux extrémités de la chaîne morale, puisque les uns considèrent les objets extérieurs comme le mobile de toutes les idées, et les autres, les idées comme le mobile de toutes les impressions. Ces deux nations cependant s’accordent assez bien sous les rapports sociaux ; mais il n’en est point de plus opposées