Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
DE L’ASPECT DE L’ALLEMAGNE

idées dans la tête des hommes, et que les sillons réguliers du laboureur y sont tracés sur une terre pesante.

Néanmoins, quand on a surmonté ces sensations irréfléchies, le pays et les habitants offrent à l’observation quelque chose d’intéressant et de poétique. Vous sentez que des âmes et des imaginations douces ont embelli ces campagnes. Les grands chemins sont plantés d’arbres fruitiers, placés là pour rafraîchir le voyageur. Les paysages dont le Rhin est entouré sont superbes presque partout ; on diroit que ce fleuve est le génie tutélaire de l’Allemagne ;ses flots sont purs, rapides et majestueux comme la vie d’un ancien héros. Le Danube se divise en plusieurs branches. Les ondes de l’Elbe et de la Sprée se troublent facilement par l’orage. Le Rhin seul est presque inaltérable. Les contrées qu’il traverse paroissent tout à la fois si sérieuses et si variées, si fertiles et si solitaires, qu’on seroit tenté de croire que c’est lui-même qui les a cultivées, et que les hommes d’à présent n’y sont pour rien. Ce fleuve raconte, en passant, les hauts faits des temps jadis, et l’ombre d’Arminius semble errer encore sur ces rivages escarpés.

Les monuments gothiques sont les seuls re-