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DE L’ALLEMAGNE

inutiles qu’elle s’attache ; mais les caractères bienveillants aiment mieux s’exposer à la plaisanterie que de s’en préserver par l’air hautain et contenu qu’il est si facile à tout le monde de se donner.

On est frappé sans cesse, en Allemagne, du contraste qui existe entre les sentiments et les habitudes, entre les talents et les goûts : la civilisation et la nature semblent ne s’être pas encore bien amalgamées ensemble. Quelquefois des hommes très-vrais sont affectés dans leurs expressions et dans leur physionomie, comme s’ils avoient quelque chose à cacher : quelquefois au contraire la douceur de l’âme n’empêche pas la rudesse dans les manières : souvent même cette opposition va plus loin encore, et la foiblesse du caractère se fait voir à travers un langage et des formes dures. L’enthousiasme pour les arts et la poésie se réunit à des habitudes assez vulgaires dans la vie sociale. Il n’est point de pays où les hommes de lettres, où les jeunes gens qui étudient dans les universités, connoissent mieux les langues anciennes et l’antiquité mais il n’en est point toutefois où les usages surannés subsistent plus généralement encore. Les souvenirs de la Grèce, le goût des beaux-arts semblent y être