Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
DE L’ALLEMAGNE

plication des lois ; la probité des individus y suppléoit.

L’indépendance même dont on jouissoit en Allemagne, sous presque tous les rapports, rendoit les Allemands indifférents à la liberté : l’indépendance est un bien, la liberté une garantie ; et précisément parce que personne n’étoit froissé en Allemagne, ni dans ses droits, ni dans ses jouissances, on ne sentoit pas le besoin d’un ordre de choses qui maintînt ce bonheur. Les tribunaux de l’Empire promettoient une justice sûre, quoique lente, contre tout acte arbitraire ; et la modération des souverains et la sagesse de leurs peuples ne donnaient presque jamais lieu à des réclamations. On ne croyait donc pas avoir besoin de fortifications constitutionnelles, quand on ne voyoit point d’agresseurs.

On a raison de s’étonner que le code féodal ait subsisté presque sans altérations parmi des hommes si éclairés ; mais comme dans l’exécution de ces lois défectueuses en elles-mêmes il n’y avoit jamais d’injustice, l’égalité dans l’application consoloit de l’inégalité dans le principe. Les vieilles chartes, les anciens privilèges de chaque ville, toute cette histoire de famille qui fait le charme