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LES FEMMES

ment, est leur jouissance et leur destinée ; nul bonheur ne peut exister pour elles que par le reflet de la gloire et des prospérités d’un autre ; enfin, vivre hors de soi-même, soit par les idées, soit par les sentiments, soit surtout par les vertus, donne à l’âme un sentiment habituel d’élévation.

Dans les pays où les hommes sont appelés par les institutions politiques à exercer toutes les vertus militaires et civiles qu’inspire l’amour de la patrie, ils reprennent la supériorité qui leur appartient ; ils rentrent avec éclat dans leurs droits de maîtres du monde : mais lorsqu’ils sont condamnés de quelque manière à l’oisiveté, ou à la servitude, ils tombent d’autant plus bas qu’ils devoient s’élever plus haut. La destinée des femmes reste toujours la même, c’est leur âme seule qui la fait, les circonstances politiques n’y influent en rien. Lorsque les hommes ne savent pas, ou ne peuvent pas employer dignement et noblement leur vie, la nature se venge sur eux des dons mêmes qu’ils en ont reçus ; l’activité du corps ne sert plus qu’à la paresse de l’esprit ; la force de l’âme devient de la rudesse et le jour se passe dans des exercices et des amusements vulgaires, les chevaux, la chasse, les festins qui convien-