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DE L’ALLEMAGNE

tous les pays, et firent de l’esprit de chevalerie comme une sorte de patriotisme européen qui remplissoit du même sentiment toutes les âmes. Le régime féodal, cette institution politique triste et sévère, mais qui consolidoit, à quelques égards, l’esprit de la chevalerie en le transformant en lois ; le régime féodal, dis-je, s’est maintenu dans l’Allemagne jusqu’à nos jours : il a été détruit en France par le cardinal de Richelieu, et, depuis cette époque jusqu’à la révolution, les Français ont tout-à-fait manqué d’une source d’enthousiasme. Je sais qu’on dira que l’amour de leurs rois en étoit une ; mais en supposant qu’un tel sentiment pût suffire à une nation, il tient tellement à la personne même du souverain, que pendant le règne du régent et de Louis XV il eût été difficile, je pense, qu’il fît faire rien de grand aux Français. L’esprit de chevalerie qui brilloit encore par étincelles sous Louis XIV s’éteignit après lui, et fut remplacé, comme le dit un historien piquant et spirituel[1], par l’esprit de fatuité, qui lui est entièrement opposé. Loin de protéger les femmes, la fatuité cherche à les perdre ; loin de

  1. M. de La Cretelle.