avides d’imiter la France, ne fut point atteinte par la fatuité, l’immoralité et l’incrédulité, qui, depuis la régence, avoient altéré le caractère naturel des Français. La féodalité conservait encore chez les Allemands des maximes de chevalerie. On s’y battoit en duel, il est vrai, moins souvent qu’en France, parce que la nation germanique n’est pas aussi vive que la nation française, et que toutes les classes du peuple ne participent pas, comme en France, au sentiment de la bravoure ; mais l’opinion publique étoit plus sévère en général sur tout ce qui tenoit à la probité. Si un homme avoit manqué de quelque manière aux lois de la morale, dix duels par jour ne l’auroient relevé dans l’estime de personne. On a vu beaucoup d’hommes de bonne compagnie, en France, qui, accusés d’une action condamnable, répondoient : Il se peut que cela soit mal, mais personne, du moins, n’osera me le dire en face. Il n’y a point de propos qui suppose une plus grande dépravation ; car où en seroit la société humaine s’il suffisoit de se tuer les uns les autres pour avoir le droit de se faire d’ailleurs tout le mal possible ; de manquer à sa parole, de mentir, pourvu qu’on n’osât pas vous dire : « Vous en avez menti ; » enfin, de séparer la loyauté de la bravoure, et de
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DE L’ALLEMAGNE