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DE L’ALLEMAGNE

société y offrant peu de charmes, et les individus n’ayant pas pour la plupart cette grâce et cette vivacité que donne la nature dans les pays chauds, il en résulte que les Allemands ne sont aimables que quand ils sont supérieurs, et qu’il leur faut du génie pour avoir beaucoup d’esprit.

La Franconie, la Souabe et la Bavière, avant la réunion illustre de l’académie actuelle à Munich, étoient des pays singulièrement lourds et monotones : point d’arts, la musique exceptée ; peu de littérature ; un accent rude qui se prêtoit difficilement à la prononciation des langues latines ; point de société ; de grandes réunions qui ressembloient à des cérémonies plutôt qu’à des plaisirs ; une politesse obséquieuse envers une aristocratie sans élégance ; de la bonté, de la loyauté dans toutes les classes ; mais une certaine roideur souriante qui ôte tout à la fois l’aisance et la dignité. On ne doit donc pas s’étonner des jugements qu’on a portés, des plaisanteries qu’on a faites sur l’ennui de l’Allemagne. Il n’y a que les villes littéraires qui puissent vraiment intéresser dans un pays où la société n’est rien et la nature peu de chose.

On auroit peut-être cultivé les lettres dans le midi de l’Allemagne avec autant de succès que