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L’AUTRICHE

rement pour eux un avancement brillant et rapide. On se fait presque un scrupule en Autriche de favoriser les hommes supérieurs, et l’on auroit pu croire quelquefois que le gouvernement vouloit pousser l’équité plus loin que la nature, et traiter d’une égale manière le talent et la médiocrité.

L’absence d’émulation a sans, doute un avantage, c’est qu’elle apaise la vanité ; mais souvent aussi la fierté même s’en ressent, et l’on finit par n’avoir plus qu’un orgueil commode auquel l’extérieur seul suffit en tout.

C’étoit aussi, ce me semble, un mauvais système que d’interdire l’entrée des livres étrangers. Si l’on pouvait conserver dans un pays l’énergie du treizième et du quatorzième siècle, en le garantissant des écrits du dix-huitième, ce seroit peut-être un grand bien ; mais comme il faut nécessairement que les opinions et les lumières de l’Europe pénètrent au milieu d’une monarchie qui est au centre même de cette Europe, c’est un inconvénient de ne les y laisser arriver qu’à demi ; car ce sont les plus mauvais écrits qui se font jour. Les livres remplis de plaisanteries immorales et de principes égoïstes amusent le vulgaire, et sont toujours connus de lui : et les