Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

Nous examinerons dans les chapitres suivants les arguments de Kant contre la morale fondée sur l’intérêt personnel, et la sublime théorie qu’il met à la place de ce sophisme hypocrite ou de cette doctrine perverse. Il peut exister deux manières de voir sur le premier ouvrage de Kant, la Critique de la Raison pure ; précisément parce qu’il a reconnu lui-même le raisonnement pour insuffisant et pour contradictoire, il devoit s’attendre à ce qu’on s’en serviroit contre lui ; mais il me semble impossible de ne pas lire avec respect sa Critique de la Raison pratique, et les différents écrits qu’il a composés sur la morale.

Non-seulement les principes de la morale de Kant sont austères et purs, comme on devoit les attendre de l’inflexibilité philosophique ; mais il rallie constamment l’évidence du cœur à celle de l’entendement, et se complaît singulièrement à faire servir sa théorie abstraite sur la nature de l’intelligence à l’appui des sentiments les plus simples et les plus forts.

Une conscience acquise par les sensations pourroit être étouffée par elles, et l’on dégrade la dignité du devoir en le faisant dépendre des objets extérieurs. Kant revient donc sans cesse à montrer