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KANT.

En rapportant au sentiment, qui n’admet point le doute, la connoissance des vérités transcendantes, en cherchant à prouver que le raisonnement n’est valable que dans la sphère des sensations, Kant est bien loin de considérer cette puissance du sentiment comme une illusion ; il lui assigne au contraire le premier rang dans la nature humaine ; il fait de la conscience le principe inné de notre existence morale, et le sentiment du juste et de l’injuste est, selon lui, la loi primitive du cœur, comme l’espace et le temps celle de l’intelligence.

L’homme, à l’aide du raisonnement, n’a-t-il pas nié le libre arbitre ? Et cependant il en est si convaincu qu’il se surprend à éprouver de l’estime ou du mépris pour les animaux eux-mêmes, tant il croit au choix spontané du bien et du mal dans tous les êtres !

C’est le sentiment qui nous donne la certitude de notre liberté, et cette liberté est le fondement de la doctrine du devoir ; car, si l’homme est libre, il doit se créer à lui-même des motifs tout-puissants qui combattent l’action des objets extérieurs et dégagent la volonté de l’égoïsme. Le devoir est la preuve et la garantie de l’indépendance mystique de l’homme.