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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

comme les bienfaiteurs de leur pays ceux qui n’auroient fait que combattre ce système, et raviva les pensées de Platon, de Descartes et de Leibnitz : mais la philosophie de la nouvelle école allemande contient une foule d’idées qui lui sont propres ; elle est fondée sur d’immenses connoissances scientifiques, qui se sont accrues chaque jour, et sur une méthode de raisonnement singulièrement abstraite et logique ; car, bien que Kant blâme l’emploi de ces raisonnements dans l’examen des vérités hors du cercle de l’expérience, il montre dans ses écrits une force de tête en métaphysique qui le place, sous ce rapport, au premier rang des penseurs.

On ne sauroit nier que le style de Kant, dans sa Critique de la Raison pure, ne mérite presque tous les reproches que ses adversaires lui ont faits. Il s’est servi d’une terminologie très-difficile à comprendre, et du néologisme le plus fatigant. Il vivoit seul avec ses pensées, et se persuadoit qu’il falloit des mots nouveaux pour des idées nouvelles, et cependant il y a des paroles pour tout.

Dans les objets les plus clairs par eux-mêmes, Kant prend souvent pour guide une métaphysi-