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KANT.

que fort obscure, et ce n’est que dans les ténèbres de la pensée qu’il porte un flambeau lumineux : il rappelle les Israélites, qui avoient pour guide une colonne de feu pendant la nuit, et une colonne nébuleuse pendant le jour.

Personne en France ne se seroit donné la peine d’étudier des ouvrages aussi hérissés de difficultés que ceux de Kant ; mais il avoit affaire à des lecteurs patients et persévérants. Ce n’étoit pas sans doute une raison pour en abuser ; peut-être toutefois n’auroit-il pas creusé si profondément dans la science de l’entendement humain, s’il avoit mis plus d’importance aux expressions dont il se servoit pour l’expliquer. Les philosophes anciens ont toujours divisé leur doctrine en deux parties distinctes, celle, qu’ils réservoient pour les initiés et celle qu’ils professoient en public. La manière d’écrire de Kant est tout-à-fait différente, lorsqu’il s’agit de sa théorie, ou de l’application de cette théorie.

Dans ses traités de métaphysique il prend les mots comme des chiffres, et leur donne la valeur qu’il veut, sans s’embarrasser de celle qu’ils tiennent de l’usage. C’est, ce me semble, une grande erreur ; car l’attention du lecteur s’épuise à comprendre le langage avant d arriver aux idées, et le