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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

connu ne sert jamais d’échelon pour parvenir à l’inconnu.

Il faut néanmoins rendre à Kant la justice qu’il mérite même comme écrivain, quand il renonce à son langage scientifique. En parlant des arts, et surtout de la morale, son style est presque toujours parfaitement clair, énergique et simple. Combien sa doctrine paroit alors admirable ! Comme il exprime le sentiment du beau et l’amour du devoir ! Avec quelle force il les sépare tous les deux de tout calcul d’intérêt ou d’utilité ! Comme il ennoblit les actions par leur source et non par leur succès ! Enfin, quelle grandeur morale ne sait-il pas donner à l’homme, soit qu’il l’examine en lui-même, soit qu’il le considère dans ses rapports extérieurs ; l’homme, cet exilé du ciel, ce prisonnier de la terre, si grand, comme exilé, si misérable, comme captif !

On pourroit extraire des écrits de Kant une foule d’idées brillantes sur tous les sujets, et peut-être même est-ce de cette doctrine seule qu’il est possible de tirer maintenant des aperçus ingénieux et nouveaux ; car le point de vue matérialiste en toutes choses n’offre plus rien d’intéressant ni d’original. Le piquant des plaisan-