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DES PHILOSOPHES ALLEMANDS.

extraordinaire entre les idées principales et même les mots qui les expriment chez plusieurs peuples du monde alors même que, d’après ce que nous connoissons de l’histoire, ils n ont jamais eu de rapport entre eux. Frédéric Schlegel n’admet point dans ses écrits la supposition assez généralement reçue, que les hommes ont commencé par l’état sauvage, et que les besoins mutuels ont formé les langues par degrés. C’est donner une origine bien grossière au développement de l’esprit et de l’âme, que de l’attribuer ainsi à notre nature animale, et la raison combat cette hypothèse que l’imagination repousse.

On ne conçoit point par quelle gradation il seroit possible d’arriver du cri sauvage à la perfection de la langue grecque ; l’on diroit que dans les progrès nécessaires pour parcourir cette distance infinie il faudroit que chaque pas franchit un abîme ; nous voyons de nos jours que les sauvages ne se civilisent jamais d’eux-mêmes, et que ce sont les nations voisines qui leur enseignent avec grande peine ce qu’ils ignorent. On est donc bien tenté de croire que le peuple primitif a été l’instituteur du genre humain ; et ce peuple, qui l’a formé, si ce n’est une révéla-