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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

tion ? Toutes les nations ont exprimé de tout temps des regrets sur la perte d’un état heureux qui précédoit l’époque où elles se trouvoient : d’où vient cette idée si généralement répandue ? dira-t-on que c’est une erreur ? Les erreurs universelles sont toujours fondées sur quelques vérités altérées, défigurées peut-être, mais qui avoient pour base des faits cachés dans la nuit des temps ou quelques forces mystérieuses de la nature.

Ceux qui attribuent la civilisation du genre humain aux besoins physiques qui ont réuni les hommes entre eux expliqueront difficilement comment il arrive que la culture morale des peuples les plus anciens est plus poétique, plus favorable aux beaux-arts, plus noblement inutile enfin, sous les rapports matériels, que ne le sont les raffinements de la civilisation moderne. La philosophie des Indiens est idéaliste et leur religion mystique : ce n’est certes pas le besoin de maintenir l’ordre dans la société qui a donné naissance à cette philosophie ni à cette religion. La poésie presque partout a précédé la prose, et l’introduction des mètres du rhythme, de l’harmonie, est antérieure à la précision rigoureuse, et par conséquent à l’utile emploi des