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NOUVELLE PHILOSOPHIE ALLEMANDE.

assez ridicules. En France, la médiocrité trouve tout trop fort et trop exalté ; en Allemagne, rien ne lui paroit à la hauteur de la nouvelle doctrine. En France, la médiocrité se moque de l’enthousiasme ; en Allemagne, elle dédaigne un certain genre de raison. Un écrivain n’en sauroit jamais faire assez pour convaincre les lecteurs allemands qu’il n’est pas superficiel, qu’il s’occupe en toutes choses de l’immortel et de l’infini. Mais comme les facultés de l’esprit ne répondent pas toujours à de si vastes désirs, il arrive souvent que des efforts gigantesques ne conduisent qu’à des résultats communs. Néanmoins cette disposition générale seconde l’essor de la pensée ; et il est plus facile, en littérature, de poser des limites que de donner de l’émulation.

Le goût que les Allemands manifestent pour le genre naïf, et dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, semble en contradiction avec leur penchant pour la métaphysique, penchant qui naît du besoin de se connoitre et de s’analyser soi-même : cependant c’est aussi à l’influence d’un système qu’il faut rapporter ce goût pour le naïf ; car il y a de la philosophie dans tout en Allemagne, même dans l’imagination. L’un des premiers caractères du naïf, c’est d’exprimer ce qu’on