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DE LA MORALE, etc.

générations peuvent s’écouler avant que de si vastes fautes soient punies, et je ne sais comment on pourroit prouver à un homme d’état, dans toutes les circonstances, que telle résolution, condamnable en elle-même, n’est pas utile, et que la morale et la politique sont toujours d’accord ; aussi ne le prouve-t-on pas, et c’est presque un axiome reçu, qu’on ne peut les réunir.

Cependant que deviendroit le genre humain, si la morale n’étoit plus qu’un conte de vieille femme fait pour consoler les foibles, en attendant qu’ils soient les plus forts ? Comment pourroit-elle rester en honneur dans les relations privées, s’il étoit convenu que, l’objet des regards de tous, le gouvernement peut s’en passer ? et comment cela ne seroit-il pas convenu, si l’intérêt est la base de la morale ? Il y a, nul ne peut le nier, des circonstances où ces grandes masses qu’on appelle des empires, ces grandes masses en état de nature l’une envers l’autre, trouvent un avantage momentané à commettre une injustice, mais la génération qui suit en a presque toujours souffert.

Kant, dans ses écrits sur la morale politique, montre avec la plus grande force que nulle exception ne peut être admise dans le code du devoir. En effet, quand on s’appuie des circons-