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DU PRINCIPE DE LA MORALE, etc.

rigine de la loi morale. Ce sentiment ne sauroit être de la nature de ceux qui peuvent devenir une passion. Sénèque en a dépeint le calme et la profondeur quand il a dit : Dans le sein de l’homme vertueux, je ne sais quel Dieu, mais il habite un Dieu.

Kant a prétendu que c’étoit altérer la pureté désintéressée de la morale que de donner à nos actions pour but la perspective d’une vie future ; plusieurs écrivains allemands l’ont parfaitement réfuté à cet égard ; en effet, l’immortalité céleste n’a nul rapport avec les peines et les récompenses que l’on conçoit sur cette terre ; le sentiment qui nous fait aspirer à l’immortalité est aussi désintéressé que celui qui nous feroit trouver notre bonheur dans le dévouement à celui des autres ; car les prémices de la félicité religieuse, c’est le sacrifice de nous-mêmes ; ainsi donc elle écarte nécessairement toute espèce d’égoïsme.

Quelque effort qu’on fasse ; il faut en revenir à reconnoître que la religion est le véritable fondement de la morale ; c’est l’objet sensible et réel au dedans de nous qui peut seul détourner nos regards des objets extérieurs. Si la pitié ne causoit pas des émotions sublimes, qui sacrifie-