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DE WOLDEMAR.

en théorie, mais non quand on la met en action, et qu’on en veut faire ainsi quelque chose de réel.

Woldemar ressent une amitié vive pour une personne qui ne veut pas l’épouser quoiqu’elle partage son sentiment. Il se marie avec une femme qu’il n’aime pas, parce qu’il croit trouver en elle un caractère soumis et doux, qui convient au mariage. À peine l’a-t-il épousée, qu’il est au moment de se livrer à l’amour qu’il éprouve pour l’autre. Celle qui n’a pas voulu s’unir à lui l’aime toujours, mais elle est révoltée de l’idée qu’il puisse avoir de l’amour pour elle ; et cependant elle veut vivre auprès de lui, soigner ses enfants, traiter sa femme en sœur, et ne connoître les affections de la nature que par la sympathie de l’amitié. C’est ainsi qu’une pièce de Goethe, assez vantée, Stella, finit par la résolution que prennent deux femmes qui ont des liens sacrés avec le même homme, de vivre chez lui toutes deux en bonne intelligence. De telles inventions ne réussissent en Allemagne que parce qu’il y a souvent dans ce pays plus d’imagination que de sensibilité. Les âmes du midi n’entendroient rien à cet héroïsme de sentiment : la passion est dévouée, mais jalouse ; et la prétendue délica-