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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

faisoient sentimentales en Allemagne se seroient montrées ailleurs légères et dédaigneuses.

L’extrême susceptibilité du caractère des Allermands est une des grandes causes de l’importance qu’ils attachent aux moindres nuances du sentiment, et cette susceptibilité tient souvent à la vérité des affections. Il est aisé d’être ferme quand on n’est pas sensible : la seule qualité nécessaire alors, c’est le courage ; car il faut que la sévérité bien ordonnée commence par soi-même : mais quand les preuves d’intérêt que les autres nous refusent ou nous donnent influent puissamment sur le bonheur, il est impossible que l’on n’ait pas mille fois plus d’irritabilité dans le cœur que ceux qui exploitent leurs amis comme un domaine en cherchant seulement à les rendre profitables.

Toutefois il faut se garder de ces codes de sentiments si subtils et si nuancés que beaucoup d’écrivains allemands ont multipliés de tant de manières, et dont leurs romans sont remplis. Les Allemands, il faut en convenir, ne sont pas toujours parfaitement naturels. Certains de leur loyauté, de leur sincérité dans tous les rapports réels de la vie, ils sont tentés de regarder l’affectation du beau comme un culte envers le bon, et