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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME

aucun terme à la durée ni à l’étendue ? Cet infini consiste dans l’absence des bornes ; mais le sentiment de l’infini, tel que l’imagination et le cœur l’éprouvent, est positif et créateur.

L’enthousiasme que le beau idéal nous fait éprouver, cette émotion pleine de trouble et de pureté tout ensemble, c’est le sentiment de l’infini qui l’excite. Nous nous sentons comme dégagés, par l’admiration, des entraves de la destinée humaine, et il nous semble qu’on nous révèle des secrets merveilleux, pour affranchir l’âme à jamais de la langueur et du déclin. Quand nous contemplons le ciel étoilé, où des étincelles de lumière sont des univers comme le nôtre, où la poussière brillante de la voie lactée trace avec des mondes une route dans le firmament, notre pensée se perd dans l’infini, notre cœur bat pour l’inconnu, pour l’immense, et nous sentons que ce n’est qu’au-delà des expériences terrestres que notre véritable vie doit commencer. Enfin les émotions religieuses, plus que toutes les autres encore, réveillent en nous le sentiment de l’infini ; mais en le réveillant elles le satisfont ; et c’est pour cela sans doute qu’un homme d’un grand esprit disoit « Que la créature pensante n’étoit heureuse que quand l’idée de l’infini étoit devenue