Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

repos à l’abri de ces espérances religieuses dont les ailes s’étendent sur les misères de la vie. Il n’est donc pas vrai, ce me semble, que la religion protestante soit dépourvue de poésie, parce que les pratiques du culte y ont moins d’éclat que dans la religion catholique. Des cérérnonies plus ou moins bien exécutées, selon la richesse des villes et la magnificence des édifices, ne sauroient être la cause principale de l’impression que produit le service divin ; ce sont ces rapports avec nos sentiments intérieurs qui nous émeuvent, rapports qui peuvent exister dans la simplicité comme dans la pompe.

J’étois il y a quelque temps dans une église de campagne, dépouillée de tout ornement, aucun tableau n’en décoroit les blanches murailles, elle étoit nouvellement bâtie, et nul souvenir d’un long passé ne la rendoit vénérable : la musique même, que les saints les plus austères ont placée dans le ciel comme la jouissance des bienheureux, se faisoit à peine entendre, et les psaumes étoient chantés par des voix sans harmonie, que les travaux de la terre et le poids des années rendoient rauques et confuses ; mais au milieu de cette réunion rustique, où manquoient toutes les splendeurs humaines, on voyoit un homme pieux dont