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DE LA MYSTICITÉ.

mouvements de l’âme. Il y a tant d intérêt à cet examen, que des hommes même assez médiocres d’ailleurs, lorsqu’ils ont dans le cœur la moindre disposition mystique, intéressent et captivent par leur entretien, comme s’ils étoient doués d’un génie transcendant. Ce qui rend la société si sujette à l’ennui, c’est que la plupart de ceux avec qui l’on vit ne parlent que des objets extérieurs ; et dans ce genre le besoin de l’esprit de conversation se fait beaucoup sentir. Mais la mysticité religieuse porte avec elle une lumière si étendue, qu’elle donne une supériorité morale très-décidée à ceux même qui ne l’avoient pas reçue de la nature : ils s’appliquent à l’étude du cœur humain, qui est la première des sciences, et se donnent autant de peine pour connoitre les passions afin de les apaiser, que les hommes du monde pour s’en servir.

Sans doute il peut se rencontrer encore de grands défauts dans le caractère de ceux dont la doctrine est la plus pure : mais est-ce à leur doctrine qu’il faut s’en prendre ? On rend à la religion un singulier hommage par l’exigence qu’on manifeste envers tous les hommes religieux, du moment qu’on les sait tels. On les trouve inconséquents s’ils ont des torts et des foiblesses ; et