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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

cependant rien ne peut changer en entier la condition humaine : si la religion donnoit toujours la perfection morale, et si la vertu conduisoit toujours au bonheur, le choix de la volonté ne seroit plus libre, car les motifs qui agiroient sur elle seroient trop puissants.

La religion dogmatique est un commandement ; la religion mystique se fonde sur l’expérience intime de notre cœur ; la prédication doit nécessairement se ressentir de la direction que suivent à cet égard les ministres de l’Evangile, et peut-être seroit-il à désirer qu’on aperçût davantage dans leur manière de prêcher l’influence des sentiments qui commencent à pénétrer tous les cœurs. En Allemagne, où chaque genre est abondant, Zollikofer, Jérusalem et plusieurs autres se sont acquis une juste réputation par l’éloquence de la chaire, et l’on peut lire sur tous les sujets une foule de sermons qui renferment d’excellentes choses ; néanmoins, quoiqu’il soit très-sage d’enseigner la morale, il importe encore plus de donner les moyens de la suivre, et ces moyens consistent avant tout dans l’émotion religieuse. Presque tous les hommes en savent à peu près autant les uns que les autres sur les inconvénients et les avantages du vice et de la vertu ; mais ce