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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

se soulève autour d’eux comme un appel au combat ; chaque battement de leur cœur est une pensée d’amour et de fierté. Dieu l’a donnée cette patrie aux hommes qui peuvent la défendre, aux femmes qui pour elle consentent aux dangers de leurs frères, de leurs époux et de leurs fils. À l’approche des périls qui la menacent, une fièvre sans frisson comme sans délire hâte le cours du sang dans les veines ; chaque effort dans une telle lutte vient du recueillement intérieur le plus profond. L’on n’aperçoit d’abord sur le visage de ces généreux citoyens que du calme, il y a trop de dignité dans leurs émotions pour qu’ils s’y livrent au dehors ; mais que le signal se fasse entendre, que la bannière nationale flotte dans les airs, et vous verrez des regards jadis si doux, si prêts à le redevenir à l’aspect du malheur, tout à coup animés par une volonté sainte et terrible ! ni les blessures, ni le sang même ne feront plus frémir ; ce n’est plus de la douleur, ce n’est plus de la mort, c’est une offrande au Dieu des armées ; nul regret, nulle incertitude, ne se mêlent alors aux résolutions les plus désespérées, et quand le cœur est entier dans ce qu’il veut, l’on jouit admirablement de l’existence. Dès que l’homme