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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

se divise au dedans de lui-même, il ne sent plus la vie que comme un mal, et si de tous les sentiments l’enthousiasme est celui qui rend le plus heureux, c’est qu’il réunit plus qu’aucun autre toutes les forces de l’âme dans le même foyer.

Les travaux de l’esprit ne semblent à beaucoup d’écrivains qu’une occupation presque mécanique, et qui remplit leur vie comme toute autre profession pourroit le faire ; c’est encore quelque chose de préférer celle-là ; mais de tels hommes ont-ils l’idée du sublime bonheur de la pensée quand l’enthousiasme l’anime ? Savent-ils de quel espoir l’on se sent pénétré quand on croit manifester par le don de l’éloquence une vérité profonde, une vérité qui forme un généreux lien entre nous et toutes les âmes en sympathie avec la nôtre ?

Les écrivains sans enthousiasme ne connoissent, de la carrière littéraire, que les critiques, les rivalités, les jalousies, tout ce qui dojt menacer la tranquillité quand on se mêle aux passions des hommes ; ces attaques et ces injustices font quelquefois du mal ; mais la vraie, l’intime jouissance du talent, peut-elle en être altérée ? Quand un livre paroit, que de moments heureux