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SUR LA PHILOSOPHIE ALLEMANDE

premier ordre sans le secours de la philosophie spéculative, ni un philosophe spéculatif sans avoir étudié les sciences positives.

Locke et Condillac ne s’étoient pas assez occupés de ces sciences ; mais Leibnitz avoit, à cet égard, une supériorité incontestable. Descartes étoit aussi un très-grand mathématicien, et il est à remarquer que la plupart des philosophes partisans de l’idéalisme ont tous fait un immense usage de leurs facultés intellectuelles. L’exercice de l’esprit, comme celui du cœur, donne un sentiment de l’activité interne dont tous les êtres qui s’abandonnent aux impressions qui viennent du dehors sont rarement capables.

La première classe des écrits de Leibnitz contient ceux qu’on pourroit appeler théologiques, parce qu’ils portent sur des vérités qui sont du ressort de la religion, et la théorie de l’esprit humain est renfermée dans la seconde. Dans la première classe il s’agit de l’origine du bien et du mal, de la prescience divine, enfin de ces questions primitives qui dépassent l’intelligence humaine. Je ne prétends point blâmer, en m’exprimant ainsi, les grands hommes qui, depuis Pythagore et Platon jusqu’à nous, ont été attirés vers ces hautes spéculations philosophiques. Le