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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

sur la morale chrétienne, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire, sur les actions qui ne sont pas soumises à l’empire ou à l’excuse des circonstances. Louis XV a généreusement rejeté le feu grégeois dont le fatal secret lui fut offert ; de même les Anglais n’auroient jamais excité la flamme dévastatrice du jacobinisme, quand il eût été en leur pouvoir de créer ce monstre nouveau qui s’acharnoit sur l’ordre social.

À ces arguments, qui me semblent plus évidens encore que des faits mêmes, j’ajouterai cependant ce que mon père m’a souvent attesté ; c’est qu’entendant parler sans cesse de prétendus agens secrets de l’Angleterre, il fit l’impossible pour les découvrir, et que toutes les recherches de la police, ordonnées et suivies pendant son ministère, servirent à prouver que l’or de l’Angleterre n’étoit pour rien dans les troubles civils de la France. Jamais on n’a pu trouver la moindre trace d’une connexion entre le parti populaire et le gouvernement anglais ; en général les plus violents, dans ce parti, n’ont point eu de rapport avec les étrangers, et d’autre part le gouvernement anglais, loin d’encourager la démocratie en France, a toujours fait tous ses efforts pour la réprimer.