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CONSIDÉRATIONS

de longue date par la marche des événements. D’ailleurs un gouvernement quelconque, et le plus éclairé de l’Europe surtout, n’aurait-il pas senti le danger d’établir près de soi une si contagieuse anarchie ? L’Angleterre, et M. Pitt en particulier, n’ont-ils pas dû craindre que l’étincelle révolutionnaire ne se communiquât sur la flotte et dans les rangs inférieurs de la société ?

Le ministère anglais a donné souvent des secours au parti des émigrés ; mais c’étoit dans un système tout à fait contraire à celui qui provoqueroit le jacobinisme. Comment supposer que des individus, très, respectables dans leur caractère privé, auroient soudoyé, dans la dernière classe du peuple, des hommes qui ne pouvoient alors se mêler des affaires publiques que par le vol ou par le meurtre ? Or, de quelque manière qu’on juge la diplomatie du gouvernement anglais, peut-on imaginer que des chefs de l’état qui, pendant quinze ans, n’ont pas attenté à la vie d’un homme, Bonaparte, dont l’existence menaçoit celle de leur pays, se fussent permis un bien plus grand crime, en payant au hasard des assassinats ? L’opinion publique en Angleterre peut être entièrement égarée sur la politique extérieure, mais jamais