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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

On trouve dans quelques constitutions modernes, comme article constitutionnel : Le gouvernement sera juste et le peuple obéissant. S’il étoit possible de commander un tel résultat, la balance des pouvoirs seroit bien inutile ; mais, pour arriver à mettre les bonnes maximes en exécution, il faut combiner les institutions de manière que chacun trouve son intérêt à les maintenir. Les doctrines religieuses peuvent se passer de l’intérêt personnel pour commander aux hommes, et c’est en cela surtout qu’elles sont d’un ordre supérieur ; mois les législateurs, chargés des intérêts de ce monde, tombent dans une sorte de duperie, quand ils font entrer les sentimens patriotiques comme un ressort nécessaire dans leur machine sociale. C’est méconnoître l’ordre naturel des événements, que de compter sur les effets pour organiser la cause ; les peuples ne deviennent pas libres parce qu’ils sont vertueux, mais parce qu’une circonstance heureuse, ou plutôt une volonté forte les mettant en possession de la liberté, ils acquièrent les vertus qui en dérivent.

Les lois dont dépend la liberté civile et politique se réduisent à un très-petit nombre, et ce décalogue politique mérite seul le nom d’ar-