Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du caractère de M. de Maurepas, de cet homme qui ne voyoit dans l’expression des sentimens qu’une occasion de découvrir le côté vulnérable. Dès qu’il connut la susceptibilité de M. Necker par le chagrin que sa femme avoit fait voir, il se flatta, en l’irritant, de le pousser à donner sa démission.

Quand M. Necker sut la démarche de sa femme, il la blâma, mais il en fut très-ému. Après ses devoirs religieux, l’opinion publique étoit ce qui l’occupoit le plus ; il sacrifioit la fortune, les honneurs, tout ce que les ambitieux recherchent, à l’estime de la nation ; et cette voix du peuple, alors non encore altérée, avoit pour lui quelque chose de divin. Le moindre nuage sur sa réputation étoit la plus grande souffrance que les choses de la vie pussent lui causer. Le but mondain de ses actions, le vent de terre qui le faisoit naviguer, c’étoit l’amour de la considération. Un ministre du roi de France n’avoit pas d’ailleurs, comme les ministres anglois, une force indépendante de la cour il ne pouvoit manifester en public, dans la chambre des communes, son caractère et sa conduite ; et, la liberté de la presse n’existant pas, les libelles clandestins en etoient d’autant plus dangereux.