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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/224

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CONSIDÉRATIONS

des mêmes factions pouvoit ramener ; d’ailleurs, l’enthousiasme public étoit tourné vers la gloire militaire ; la guerre de la révolution avoit exalté l’orgueil national. L’opinion, au contraire, sous Louis XVI, ne s’attachoit qu’aux intérêts purement philosophiques ; elle avoit été formée par les livres, qui proposoient un grand nombre d’améliorations pour l’ordre civil, administratif et judiciaire ; on vivoit depuis longtemps dans une profonde paix ; la guerre même étoit hors de mode depuis Louis XIV. Tout le mouvement des esprits consistoit dans le désir d’exercer des droits politiques, et toute l’habileté d’un homme d’état se fondoit sur l’art de ménager cette opinion.

Lorsqu’on peut gouverner un pays par la force militaire, la tâche des ministres est simple, et de grands talents ne sont pas nécessaires pour se faire obéir ; mais si, par malheur, on a recours à cette force et qu’elle manque, alors l’autre ressource, celle de captiver l’opinion, n’existe plus, car on l’a perdue pour jamais, dès qu’on a vainement tenté de la contraindre. Examinons, d’après ces principes, les plans proposés par M. Necker, et ceux qu’on fit adopter au roi, en sacrifiant ce ministre.