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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/277

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Quand il se levoit pour parler, quand il montoit à la tribune, la curiosité de tous étoit excitée ; personne ne l’estimait, mais on avoit une si haute idée de ses facultés, que nul n’osoit l’attaquer, si ce n’est ceux des aristocrates qui, ne se servant point de la parole, lui envoyoient défi sur défi pour l’appeler en duel. Il s’y refusoit toujours, prenant note sur ses tablettes des propositions de ce genre qu’on lui adressait, et promettant qu’il y répondroit à la fin de l’assemblée. Il n’est pas juste, disoit-il, en parlant d’un honnête gentilhomme de je ne sais quelle province, que j’expose un homme d’esprit comme moi contre un sot comme lui. Et, chose bizarre dans un pays tel que la France, cette conduite ne le déconsidéroit pas ; elle ne faisoit pas même suspecter son courage. Il y avoit quelque chose de si martial dans son esprit, de si hardi dans ses manières, qu’on ne pouvoit accuser un tel homme d’aucune peur.