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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/276

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CONSIDÉRATIONS

ni les succès, ni la responsabilité de l’administration ne le regardaient. M. Necker, en défendant l’autorité royale, abdiquoit nécessairement la faveur du parti populaire. Cependant il savoit par expérience que le roi avoit des conseillers secrets et des plans particuliers, et il n’étoit pas assuré de lui faire suivre la marche qu’il croiroit la meilleure. Les obstacles de tous genres entravoient chacun de ses pas ; il ne pouvoit parler ouvertement sur rien ; néanmoins la ligne qu’il suivoit toujours, c’étoit celle que lui traçoit son devoir de ministre. La nation et le roi avoient changé de place : le roi étoit devenu de beaucoup, et de beaucoup trop, le plus faible. Ainsi donc, M. Necker devoit défendre le trône auprès de la nation, comme il avoit défendu la nation auprès du trône. Mais tous ces sentimens généreux n’embarrassoient point Mirabeau ; il se mettoit à la tête du parti qui vouloit gagner à tout prix de l’importance politique, et les principes les plus abstraits n’étoient pour lui que des moyens d’intrigue.

La nature l’avoit bien servi, en lui donnant les défauts et les avantages qui agissent sur une assemblée populaire : de l’amertume, de la plaisanterie, de la force et de l’originalité.